Projets
Dynamique du méthane (et du CO2) des lacs naturels
Le méthane (CH4) est un puissant gaz à effet de serre, ayant un potentiel de réchauffement global environ 34 fois plus grand que le dioxyde de carbone (IPCC 2013). Malgré la surface globale relativement petite couverte par les eaux superficielles, ces écosystèmes sont des sources environnementales disproportionnées de CH4 dans l’atmosphère. Dans les lacs, une grande quantité de matière organique est dégradée de façon anaérobie dans les sédiments et les eaux anoxiques, produisant du CH4. Une partie du CH4 produit est alors émise dans l’atmosphère – par ébullition ou diffusion – mais une autre partie conséquente n’atteint jamais l’atmosphère à cause de l’oxydation microbienne dans ces écosystèmes. Dans notre laboratoire, nous cherchons à comprendre les modèles et contrôles de tous les processus impliqués dans le cycle du méthane dans les lacs, depuis sa production jusqu’à son oxydation et son émission.
Accumulation de méthane
sous la glace
Le cycle du méthane dans les lacs présente un fort régime saisonnier, avec des émissions majeures lors des brassages au printemps et à l’automne. Au Québec et dans d’autres régions de hautes latitudes ou hautes altitudes, les lacs sont recouverts de glace pendant plusieurs mois en hiver. Pendant cette période, le méthane peut s’accumuler sous la glace et il est relâché rapidement après le dégel. Cependant, on ignore encore quelle quantité peut s’accumuler en hiver, et quelle fraction de méthane est oxydée avant de s’échapper dans l’atmosphère. Par conséquent, notre projet vise à quantifier l’accumulation du méthane sous la glace et sa libération dans l’atmosphère lors de la fonte des glaces dans divers lacs du Québec.
Pour plus d’informations, voir Michmerhuizen et al. 1996, Ducharme-Riel et al. 2015, Karlsson et al. 2013.
Le destin du méthane dans les lacs: de l’oxydation microbienne aux réseaux trophiques.
Les émissions de CH4 des lacs sont contrôlées par l’équilibre entre production et oxydation. L’oxydation peut retirer presque tout le CH4 produit, principalement due à la consommation aérobie par les bactéries oxydant le méthane (MOB). Ces bactéries produisent du CO2 et de la biomasse à partir de CH4 et ont donc un rôle clé dans la régulation des émissions de CH4 et CO2, générant une voie potentiellement importante dans les réseaux trophiques lacustres. Dans ce projet, nous sommes intéressés par la régulation de l’oxydation du méthane dans les lacs avec un accent particulier sur le rôle de l’abondance et la composition des MOB, mais aussi sur l’évaluation de l’efficacité d’utilisation du CH4 par les MOB et ses implications sur le cycle du carbone pélagique et les réseaux trophiques lacustres
La sursaturation omniprésente du méthane dans les eaux de surfaces lacustres
Les eaux douces sont presque toujours sursaturées en méthane comparativement à l’atmosphère. Elles émettent donc constamment du méthane, un puissant gaz à effet de serre. Malgré cela, et malgré leur rôle important dans le cycle global du carbone, on en connait peu sur la source du méthane dans nos eaux de surface, particulièrement dans les zones oxiques au centre des grands lacs.
Par conséquent, pour ce projet nous avons décidé de tester une des hypothèses initiales stipulant que le transport du méthane de la zone littorale des lacs est la source du méthane au centre. Nous avons dérivé un modèle prenant en compte la dispersion horizontale et les échanges gazeux et nous l’avons testé avec les données de 14 lacs variant de six ordres de magnitudes en termes de taille. Nous avons observé que notre modèle sous-estimait les concentrations au centre de la majorité des lacs, ce qui suggère que les processus physiques n’expliquent pas à eux seuls nos observations. En utilisant les patrons des isotopes stables de carbone, nous avons réconcilié ces différences en quantifiant la balance nette entre les processus biologique affectant le méthane : l’oxydation qui le consomme, et la production dans l’épilimnion, une source souvent controversée dont les mécanismes sont mal connus. Nous avons ultimement trouvé que 70% de nos lacs nordiques produisent du méthane dans leur zone oxiques de surface, supportant le fait que ce processus existe et est répandu dans les eaux de surfaces des lacs.
Cette étude a été récemment publiée dans Ecosystems : DelSontro et al. 2017
L’utilisation de modèles de facteurs de contrôle empiriques pour quantifier les émissions globales de méthane des lacs
La majorité des études qui ont estimé à large l’échelle les émissions de gaz, incluant le méthane, ont simplement multiplié un taux d’émission moyen par la surface aquatique d’intérêt. Cela assume que les lacs sur lesquels l’émissions moyenne est basée sont représentatifs de tous les lacs à l’échelle de la zone d’intérêt. Ceci n’est pourtant pas nécessairement le cas.
Par conséquent, nous avons décidé d’utiliser plusieurs modèles empiriques dérivés de quelques études dans deux régions nordiques (Québec et Suède) pour estimer les émissions de méthane par diffusion et ébullition des lacs boréaux. Nous avons trouvé que la température et le phosphore total prédisaient le mieux l’ébullition au Québec, tandis que d’autres ont trouvé que la température et les radiations solaires étaient les meilleurs prédicteurs en Suède. Les émissions diffusives de méthane des lacs au Québec sont liées à la taille du lac et à la température. Les résultats préliminaires suggèrent que les études précédentes surestiment les émissions de méthane aquatiques au Nord et que les émissions des régions boréales représentent une petite fraction des émissions aquatiques à l’échelle globale. Aussi, puisque la température est une variable commune dans tous ces modèles, nous pouvons aussi prédire les émissions futures basées sur les tendances actuelles d’augmentation de la température des lacs. Les résultats préliminaires suggèrent qu’une augmentation de température de 1°C à la surface des lacs durant les 20 prochaines années pourrait résulter en une augmentation de 10% des émissions de méthane de lacs boréaux, dans le biome le plus riche en eaux douces.
Pour des manuscripts, voir DelSontro et al. 2016; Rasilo et al. 2015; Wik et al. 2014